Analyse du livre 2

 

Commentaire du livre 2 : Ce livre est plus concentré que le premier, en effet, ici 9 mois de la vie de Rousseau sont évoqués, alors que le premier livre raconté 16 ans de la vie de Rousseau.

C’est durant ces 9 mois que Rousseau va se transformer en « petit homme », dans ce livre, il y a un thème qui revient à plusieurs reprises, celui de la quête d’indépendance :’ »L’indépendance que je croyais avoir acquise était le seul sentiment qui m’affectait ». Il va loger chez des paysans ; va s’adonner aux voyages «  A force de parcourir le monde […] »

 

On peut dire que dans ce livre, il y a deux faits principaux :

-         la rencontre avec mademoiselle de Warens

-         l’affaire du ruban volée

 

La rencontre avec cette mademoiselle de Warens[1] : Au fil de ces voyages, il va se rendre en Savoie, prés de Genève, et va y faire la rencontre avec un curé : Monsieur de Pontverre. Rousseau à un « petit excès » d’orgueil, car il dit « J’étais certainement plus savant que lui. » - « Je sentais ma supériorité ». Ce Curé va envoyer Rousseau à Annecy ; il sera accueilli par une « une bonne dame bien charitable » ; il s’agit de Mademoiselle Warens. Cette femme à 28 ans, elle se prénomme Louise - Eléonore et Rousseau va nous en faire une description complète : » Elle avait de ces beautés qui se conservent ; elle avait un air caressant ; un regard doux ; une bouche à la mesure de la mienne ; des cheveux cendrés d’une beauté peu commune ; elle était petite de stature ; il était impossible de voir une plus belle tête ; un plus beau sein ; de plus belles mains, et de plus beau bras ; elle avait perdu sa mère (comme Rousseau) à la naissance ». Cette femme sera très présente tout au long de ce livre II.

Il va se convertir au catholicisme, en allant à Turin (en Italie).

 

L’affaire du ruban volée :

Cette fois-ci, on va comprendre le choix du titre « les confessions », en effet, avec cette histoire, on va comprendre que Rousseau va nous avouer des choses sur sa vie, et il va même s’absoudre (il va se pardonner lui-même ces péchés !), ou tout du moins, il sait que le lecteur va l’absoudre.

Pour commencer il paraît judicieux de s’intéresser au récit de cette incident.

En 1728, Rousseau se trouve à Turin, où Mademoiselle de Warens là envoyé. Il va chez Mme de Vercellis. Mais elle vient de mourir et dans le désordre de la succession, se produit l'incident auquel Jean Jacques, vieilli, consacre toute la fin du livre II des Confessions. Il va alors voler un ruban, sans penser aux conséquences que cela pourrait avoir : « Qui croyait que la faute d’un enfant pu avoir des suites aussi cruelles ? ».

« La seule Mlle Pontal perdit un petit ruban de couleur rose et argent, déjà vieux […] ce ruban seul me tenta, je le volai et comme je ne le cachais guère, on me le trouva bientôt. » Il fût rapidement retrouvé, et va (pour se couvrir) dire que c’est Marion qui lui a donnée, mais cette dernière va nier : « Elle arrive, on lui montre le ruban, elle reste interdite, se tait, me jette un regard qui aurait désarmé les démons, et auquel mon barbare cœur résiste. Elle nie avec assurance […] »

L'ordre suivi est des plus clair : du vol, on passe à l'enquête et à la dénonciation, puis à la confrontation et au débat, avant que ne soit prononcé le verdict qui renvoi les parties dos à dos. Le jeu des temps verbaux est remarquable : il fait succéder au passé simple, le présent, plus direct et plus évocateur, avant de revenir au passé simple. Quelques imparfaits de-ci de-là expriment l'état de l'antériorité. L'emphase (la solennité) des qualificatifs n'est pas moins notable : ils sont tous destinés à noircir et à charger Rousseau (barbare cœur [l.1912], infernal, diabolique) : la volonté du coupable ni est pour rien : ce fut œuvre du démon, aux attaques duquel un pauvre innocent n'a pu résister. Le portrait moral doit rendre la victime intéressante : jeune, jolie, innocente, honnête, saine fille des montagnes ... Chez Marion (déjà pure héroïne de mélodrame), on notera la correspondance entre le physique et le moral. Inversement, tous les détails contribuent à noircir le jeune voleur. Enfin, tout doit minimiser le larcin et le préjudice, le désordre dans lequel est plongé la maisonnée. Quand au ruban, il est petit et vieux.

Rousseau va citer les conséquences que ce vol aura eu, d’une part pour Marion, et d’autre part pour lui. Il va commencer par Marion : « J’ignore ce que devint cette victime de ma calomnie » - « qui sait à son âge, ou le découragement de l’innocence avilie a pu la porter ? ». Mais Rousseau va ensuite parler de lui, (il veut que le lecteur est de la pitié pour lui, alors que c’est plutôt pour Marion, qu’il faudrait en avoir, car elle a été accusé et humilié par Rousseau à tord.)

Le coupable (Rousseau) se rend intéressant et pitoyable : nuits agitées, visité par la douloureuse image de Marion, une vie orageuse, remords, sans la confidence d'une amitié consolatrice.

On remarque cependant le rôle de l’autobiographie, ou plus généralement de l’écriture : « ce poids est donc resté jusqu'à ce jour sans allégement sur ma conscience, et je puis dire que le désir de m’en délivrer en quelque sorte à beaucoup contribué à la résolution que j’ai prise d’écrire mes confessions. ». Ici, Rousseau tient à nous dire que c’est par l’écriture de ce présent livre, qu’il a pu se soulager d’un poids qu’il avait.

 

Le plaidoyer de Rousseau : Rousseau est fort habile ici : tous les traits par lesquels il s'était chargé sont maintenant repris et se trouvent fournis des justifications de sa conduite et autant de circonstances atténuantes. Il veut se faire pardonner par ces lecteurs. Paradoxalement, d'accusé, Rousseau passe pour finir au rôle d'accusateur.

Il rejette la responsabilité sur autrui, selon un processus qui lui est assez coutumier. Ce procédé est d’usage chez Rousseau, il préfère rejeter les fautes sur les autres, ainsi il peut se faire passer pour une victime, donc attirer la pitié et la compassion du lecteur, pour lui.

Il n'en demeure pas moins que pour un individu aussi stupide qu'il se prétend et n'ayant que l'esprit de l'escalier, Jean-Jacques manie passablement l'art de décharger sa responsabilité : toute la faute en définitive incombe à ces grandes personnes raisonnables, habiles, cultivées qui n'ont pas su le prendre, le guider et le délivrer de son aveu ("tout était si facile à arranger"). Et tout s’arrange si facilement avec des si …
Pauvre Rousseau, Rousseau l'incompris.

A travers la lecture de cette « scène », on est à l’origine parti d’un vol de ruban, et à la fin, on en vient à croire que Rousseau s’est totalement innocenté, et que si il en est arrivé là, ce n’est pas de sa faute, mais de celle des autres !

 

Par un trop habile plaidoyer, il rejette à posteriori toute la responsabilité sur autrui et n'endosse que l'acte matériel. C'est une singulière appréciation morale des délits et des devoirs.

 

         Maintenant, on peut affirmer que Rousseau entre dans la vie des adultes.

 

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[1] Il importe de bien relire et comprendre ce livre II, car cette femme est très présente, et joue un rôle important dans la vie

de Rousseau.